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Une route difficile et une belle vie


Une route difficile et une vie bien remplie

Dr Alaa Al-Tamimi – 15 mars 2025


Dans la vie de chaque personne, il existe des moments décisifs qui ébranlent les équilibres et redessinent les chemins. Comme beaucoup, je n’ai pas suivi une trajectoire tracée avec clarté ni pavée de sécurité. Mon parcours a été une succession de défis, difficiles à résumer ou à raconter en quelques mots. Des jours épuisants, oscillant entre épreuves de conscience et caprices du destin. J’ai emprunté des routes que je n’avais pas toujours choisies, mais je les ai affrontées avec une volonté inébranlable et un esprit passionné par le savoir, même dans les moments les plus sombres.

Chaque tournant m’a enseigné une leçon, et chaque ville traversée a reflété une partie de moi. L’éloignement ne se limitait pas aux lieux — parfois, il s’étendait au temps, aux gens, et même à moi-même.


Et pourtant, une petite lumière est restée vivante en moi... sans jamais s’éteindre.


Je suis né à Bagdad en 1952, dans une ville vibrante de vie, d’histoire et d’espoir. Une ville qui ne s’endormait qu’au murmure du fleuve et s’éveillait au grondement de l’ambition. C’est là, en son cœur, que ma conscience s’est éveillée, et que mes yeux se sont ouverts sur un monde où la connaissance était considérée comme le premier pas vers la dignité.


J’ai étudié l’ingénierie à l’Université de Bagdad, où j’ai également obtenu un master. À cette époque, la foi en la science ressemblait à une croyance religieuse — récitée chaque matin lumineux, acquise par le travail acharné et la patience.

Je ne possédais rien d’autre qu’une passion insatiable pour l’urbanisme, et un rêve : que les villes possèdent une âme digne de leurs habitants.


Au début des années 1980, mes pas m’ont conduit en France, où j’ai obtenu un doctorat en ingénierie structurelle à la prestigieuse Université de la Sorbonne, parmi les pierres anciennes de Paris et ses temples du savoir. Les années d’exil n’ont pas été faciles, mais elles ont creusé en moi une profondeur nouvelle, et élargi ma vision de ce que la science pouvait accomplir lorsqu’elle s’allie à la volonté.


À mon retour au pays, j’ai enseigné dans plusieurs universités irakiennes avant de rejoindre l’Autorité irakienne de l’énergie atomique, où j’ai travaillé de 1987 à 1992, pendant l’une des périodes les plus sensibles de l’histoire contemporaine de l’Irak. Ce n’était pas simplement un travail, mais une arène silencieuse où ambition scientifique et peurs politiques s’affrontaient, entre le possible et l’impossible.


Dans les couloirs des laboratoires et les salles de réunions fermées, j’ai vécu de près la fragilité de l’équilibre entre le savoir et le pouvoir, entre le scientifique et le décideur. Ce furent des années éprouvantes, mais elles m’ont forgé et appris que le savoir seul ne suffit pas, s’il n’est pas accompagné d’une conscience de sa place sur la carte du réel.

Et pourtant, l’Irak — ce pays que j’ai profondément aimé — n’a pas toujours été un refuge pour ses enfants, surtout lorsque les tempêtes se sont intensifiées et que ses institutions se sont effondrées sous le poids du blocus, du recul et de la trahison.


Au milieu des années 1990, je me suis retrouvé face à une décision difficile : partir.

Je suis parti, le cœur brûlant de nostalgie, avec dans ma valise quelques livres, des diplômes arrachés à l’effort, et des rêves à la recherche d’une terre où s’épanouir. Je n’ai pas fui mon pays, mais je suis parti en quête de liberté — d’un espace modeste où exercer mon métier sans peur, tout en préservant ma dignité d’homme et de scientifique.

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