La lionne blessée
- Alaa Tamimi
- 4 avr.
- 3 min de lecture

Je veille toujours, lors de mes voyages à l’étranger, à visiter les musées nationaux. Parmi les musées internationaux les plus importants qui abritent de nombreuses pièces archéologiques irakiennes, le British Museum de Londres et le musée du Louvre à Paris occupent une place de choix. Tous deux ont consacré des salles entières aux vestiges du Moyen-Orient à travers les âges, jusqu’à l’époque moderne.
Lors de ma dernière visite à Londres, j’ai tenu à voir l’une des œuvres les plus marquantes du British Museum : la sculpture de la lionne blessée, qui fait partie d’un ensemble de bas-reliefs ornant une immense fresque de 40,6 mètres de long sur 1,6 mètre de haut, datant de l’époque néo-assyrienne (668–631 av. J.-C.), dans la salle du trône du palais du roi Assurbanipal à Ninive.
Cette fresque est une véritable prouesse architecturale qui incarne la puissance et la majesté royales. Le palais d’Assurbanipal est considéré comme l’un des plus grands accomplissements de l’architecture assyrienne à Ninive. Ses murs sont couverts de plaques de pierre gravées avec une précision saisissante, représentant le roi au centre des scènes, dirigeant son peuple et ses armées. Ces reliefs sont parmi les chefs-d’œuvre les plus impressionnants de l’art assyrien : un subtil mélange de virtuosité technique, de symbolisme politique et religieux. Ils servaient à exprimer visuellement l’autorité divine et militaire du souverain.
L’artiste assyrien y a représenté des scènes de culte, de guerre, de chasse et d’affrontements entre rois et animaux sauvages, notamment le lion, symbole ancestral de la destruction, de la force et de la protection. L’un des rituels majeurs auxquels les rois assyriens devaient se soumettre était la chasse aux lions, qui s’achevait par la victoire du roi, perçue comme la manifestation de son pouvoir divin.
Même si les animaux représentés sont des lions blessés ou mourants, leur présence confère une beauté tragique à la composition. La variété des postures, la fluidité des mouvements et la finesse des détails, comme les gouttes de sang jaillissant des gueules frappées par les flèches empoisonnées du roi, renforcent l’impact visuel et émotionnel de l’ensemble.
Parmi ces scènes, la sculpture de la lionne blessée se distingue comme la seule représentation féminine de ce combat. Cette œuvre est considérée comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’art antique, découverte dans les reliefs ornant les murs du palais d’Assurbanipal, y compris dans la salle du trône de Ninive.
Cette scène bouleversante témoigne du génie des sculpteurs assyriens. On y voit la lionne à l’agonie, transpercée de flèches pendant une chasse royale. Son corps tendu révèle des muscles contractés, des griffes crispées s’accrochant au sol, une queue recroquevillée sous la douleur, et des traînées de sang s’échappant des plaies. Malgré ses blessures mortelles, la lionne tente encore de se relever : une illustration poignante de la volonté de survivre, même dans l’ultime faiblesse. Ses yeux expriment la souffrance, le chagrin, voire la défiance — un exploit artistique remarquable pour une sculpture vieille de plus de 2 600 ans.
La lionne incarne la dignité dans la douleur, frappée par les flèches d’un chasseur expert. Ses yeux empreints de tristesse, son corps mutilé, et son dernier effort pour se tenir debout, racontent une histoire de résistance acharnée, soulignant que les blessures peuvent freiner le mouvement, mais non la volonté de lutter.
Taillée dans le calcaire, cette sculpture révèle la maîtrise absolue des artistes assyriens dans le traitement des moindres détails : les crocs, les muscles tendus, les coulées de sang, tout concourt à une réalisme saisissant. Aujourd’hui, cette sculpture figure parmi les œuvres les plus célèbres de l’art assyrien exposées au British Museum, captivant les visiteurs par sa force émotionnelle et sa beauté brutale.
Découverte lors des fouilles archéologiques du XIXe siècle à Ninive, la lionne blessée fut transportée au British Museum, où elle demeure l’une des pièces maîtresses de la collection, admirée tant par le grand public que par les chercheurs, pour sa puissance esthétique et sa valeur historique incomparable.
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